Une écloserie inaugurée à Mbodiène pour faire de l’aquaculture une filière d’avenir

Un événement au Sénégal
Une écloserie inaugurée à Mbodiène pour faire de l’aquaculture une filière d’avenir

L’aquaculture a pris une nouvelle dimension au Sénégal, fin janvier, avec l’inauguration d’une infrastructure phare pour développer cette filière d’avenir. L’écloserie sortie de terre avec le soutien de la fondation Veolia permettra une production massive d’intrants piscicoles, au cœur du circuit vertueux de l’aquaculture maraîchère.

« L’écloserie de Mbodiène est bien plus qu’une infrastructure : c’est un modèle de développement durable, alliant innovation technologique, inclusion sociale et préservation de l’environnement. Nous espérons attirer de nouveaux partenaires pour déployer cette activité à plus grande échelle, en collaboration avec les groupements de femmes et les jeunes. »
David Poinard
Délégué général, fondation Veolia

A 120 km de Dakar, Mbodiène a accueilli le 30 janvier une délégation mêlant représentants des autorités publiques et partenaires du programme Aar Aduna – Aar Jiggen. Ce dispositif d’aquaponie associe la pisciculture (l’élevage de poissons en bassins) et la production maraîchère. Marqué par l’innovation et soutenu dès sa genèse, en 2020, par la fondation Veolia, ce projet vient de passer un cap.

Mbodiène disposait déjà de bassins d’aquaculture. Mais, comme toute la filière, ces exploitations étaient confrontées au coût des intrants piscicoles : les alevins. L’aliment occupe environ 60 à 70 % des charges d’une ferme piscicole et pèse donc lourdement sur son modèle économique. L’écloserie nouvellement construite va permettre la reproduction et l’éclosion des œufs de tilapias pour garantir l’approvisionnement des bassins piscicoles.

Cette dernière brique vient parfaire un cercle vertueux et un dispositif exemplaire. Sur les cinq hectares du site, deux sont dédiés à l’écloserie et trois à l’agriculture. L’eau des bassins, enrichie en nutriments par les tilapias, est utilisée pour irriguer les cultures. La production maraîchère augmente, permettant de meilleurs revenus.

Comment ça marche ?

L’aquaculture maraîchère est une pratique inspirée de l’aquaponie associant la pisciculture (élevage de poissons en bassins) et le maraîchage. Ce modèle permet de constituer une chaîne de production vertueuse. Un bassin, alimenté en eau par un puits équipé d’une pompe solaire, héberge la croissance de tilapias, des poissons d’élevage. L’eau du bassin, chargée en azote, phosphate et potassium grâce aux déjections des poissons, irrigue les terres maraîchères voisines dont la production augmente.

L’aquaculture au Sénégal de 2020 à 2024

5 713 personnes formées en techniques piscicoles et ostréicoles

3 045 emplois créés 

32 899 606 alevins produits 

L’écloserie est dotée d’une capacité de production d’un million d’alevins par an. Ce volume permettra de satisfaire les besoins des fermes soutenues par la fondation Veolia ainsi que d’autres fermes, en cours d’installation grâce à l’impulsion des autorités sénégalaises. Les fonds générés par ces ventes seront réinvestis pour financer de nouvelles initiatives locales et former de jeunes Sénégalais aux métiers de l’aquaculture, de l’irrigation et de l’agriculture.

De l’expérimentation à la réplicabilité du modèle, Aar Aduna – Aar Jiggen est devenu une référence bien au-delà de la région. La présence de la ministre des Pêches, des Infrastructures maritimes et portuaires du Sénégal, Dr. Fatou Diouf, pour inaugurer cette nouvelle infrastructure, l’a démontré. « L’aquaculture est désormais une priorité nationale, avec un potentiel énorme pour répondre à la demande croissante en produits halieutiques, a-t-elle indiqué. Avec une production mondiale d’animaux aquatiques dépassant désormais celle de la pêche de capture, l’aquaculture est un secteur d’avenir pour le Sénégal. »

L’Etat sénégalais vise la mise en place d’une filière pourvoyeuse de revenus et d’emplois, avec l’objectif national d’assurer une souveraineté alimentaire. Il renforce, via l’Agence nationale de l’Aquaculture (ANA), l’industrie aquacole à travers la mise en place de pôles aquacoles et de zones aquacoles dédiées. Les réalisations se multiplient : réhabilitation de bassins, raccordement électrique d’usines d’aliments pour poissons, réalisation de cages flottantes, installation de parcs ostréicoles, plusieurs dizaines de nouvelles fermes piscicoles sont sorties de terre ces dernières années dans les régions de Thiès, Saint-Louis, Tambacounda, Kaoloack ou encore Matam, une des dernières en dates à Keur Pathe Ndiaye, avec 12 bassins. Fin 2024, le Sénégal comptait 575 sites de production aquacoles. L’amorce d’un avenir prometteur.

Une stratégie nationale pour une filière d’avenir

Portée par l’Agence nationale de l’Aquaculture (ANA), une Stratégie nationale pour le développement durable de l'aquaculture (SNDAq) 2023-2032 a été annoncée. Les objectifs sont à la hauteur des enjeux :

  • Une production aquacole nationale de 65 000 tonnes supportée par une production de 172 millions d’alevins et 90 000 tonnes d’aliments de qualité produits localement.
  • La création de 50 000 emplois directs et indirects
  • Une contribution de 52 milliards francs CFA au PIB du Sénégal.

Reportage d'APS sur l'inauguration

« L’association de l’aquaculture et du maraîchage permet de répondre aux défis du changement climatique, de créer une filière économique durable, tout en respectant l’environnement et en assurant la sécurité alimentaire. »
Patricia Ricard
Présidente de l’Institut Océanographique Paul Ricard (IOPR), qui a travaillé sur l’optimisation du bol alimentaire des tilapias.