Ingénieur études et projets techniques, Paul Sagot est parti au pied levé en Ouganda pour une mission de quelques semaines. Objectif : déployer le Saniforce, la solution de traitement des boues fécales conçue par la fondation Veolia pour l’humanitaire, dans un camp de réfugiés.
Votre mission s’est décidée en quelques heures et vous êtes parti en trois jours. Racontez-nous.
Paul Sagot : La mission était prévue, mais avec un autre volontaire Veoliaforce qui n’a finalement pas pu se libérer. Quand l’équipe de la Fondation m’a appelé pour me demander si je pouvais partir le surlendemain, je ne savais pas placer l’Ouganda sur une carte ! Mais je pouvais prendre mon sac et partir. Au sein de Veolia Eau, l'organisation de mon service à permis de pallier mon absence et, pour certains sujets, on a expliqué à nos clients que certains délais seraient repoussés. Ils ont été compréhensifs. Et au niveau de ma hiérarchie, Guillaume Thibault, mon directeur de territoire, m'a donné son accord après s'être assuré de la continuité des missions du service.
Quel était le contexte de la mission ?
PS : Je suis parti sur une problématique d’assainissement dans un camp de réfugié à l’Ouest de l’Ouganda. N'ayant jamais vécu cette situation, je m'attendais à dormir dans une cabane en tôle, proche de ce qu'on peut voir dans les médias. Mais à Kyangwali où nous étions, des dizaines de milliers de personnes sont installées, parfois depuis plusieurs années. Une vie s’est construite autour de ces habitats peu à peu pérennisés. Nous étions, de notre côté, logés dans un hôtel classique proche du camp d’où nous partions tous les matins pour aller sur site.
Votre mission consistait à déployer le Saniforce…
PS : …sauf qu’il n’est arrivé que plusieurs jours après nous ! Donc on a préparé le terrain en vue du déploiement, vérifié les installations et mobilisé l’équipe, à savoir des réfugiés devenus volontaires auprès de la Croix-Rouge ougandaise. Il y avait un vrai enjeu à mobiliser ces interlocuteurs dans l’attente du Saniforce, avec la difficulté du multiculturalisme : certains parlaient français, anglais, d’autres des langues locales. On s’est adapté pour, surtout, conserver intacte l’énergie collective et l’enthousiasme de déployer un nouvel outil.
Et quand le Saniforce est arrivé ?
PS : La solution est bluffante ! C’est du “plug-and-play” avec, bien sûr, des évolutions à prévoir pour perfectionner le dispositif, mais il y a un vrai truc à jouer. On a d’ailleurs bien senti l’intérêt des humanitaires pour le sujet : ils ont été nombreux à venir visiter le site.
Vous étiez sur le terrain avec deux autres experts. Comment vous êtes-vous répartis les tâches ?
PS : Romain Verchère, permanent de la Fondation en charge du programme d’innovations, a organisé le déploiement du Saniforce avec l’ensemble des partenaires locaux. Gabriel David, un universitaire Brésilien qui fait un mémoire sur le Saniforce, s’est concentré sur la collecte de données, en analysant en particulier les temps de chauffe du pasteurisateur. De mon côté, j’ai travaillé sur l’ensemble des étapes de traitement pour en optimiser certains aspects et valider leur mise en route. Chaque jour, on fait face à des aléas d’exploitation qui, finalement, sont aussi des opportunités. Ils ont permis de former, sur le temps de la mission, des salariés de la Croix-Rouge ougandaise sur la résolution des problèmes courants. Le plus difficile, c’est de travailler dans un contexte où vous n’avez rien. Au moindre écrou manquant, il faut trouver des solutions soit pour s’approvisionner à plusieurs heures de trajets de là, soit pour contourner le problème. Bref, c’est beaucoup de débrouille, mais ça me va bien.
Comment se passe le retour d’une telle mission ?
PS : Sur un projet de développement d’une nouvelle solution telle que le Saniforce, on a du mal à se désintéresser du sujet une fois rentré. Sur place, c’était déjà très frustrant, chaque soir, de quitter le site alors qu’on constatait les progrès de jour en jour, voire d’heure en heure. De retour, j’ai repris l’astreinte au travail directement. Mais je reste très à l’écoute de ce qui se fait avec la Croix-Rouge ougandaise à Kyangwali. Parce que j’en suis sûr : on va entendre parler du Saniforce !
Le Saniforce, une solution bas carbone pour traiter les boues fécales en contexte humanitaire
Le Saniforce a vocation à permettre le traitement du contenu des fosses septiques et fosses de latrines pour 500 personnes. Ses objectifs sont sanitaires et environnementaux en évitant les contaminations de l’environnement et de la ressource en eau. Techniquement, le dispositif repose sur les procédés de digestion anaérobie et de pasteurisation thermique pour éliminer les pathogènes. Ce processus contrôlé de décomposition biologique des matières organiques contenues dans les boues se déroule sans oxygène et génère à la fois du biogaz, convertible en énergie, et un effluent valorisable appelé digestat.
Un partenariat avec l’Ecole polytechnique de l’université de Sao Paulo (Brésil)
Le Saniforce est au cœur d’une convention signée par la fondation Veolia avec l’université brésilienne de Sao Paulo et plus particulièrement son Ecole polytechnique. L’un de ses étudiants ingénieur consacre son mémoire de master à l’ingénierie développée pour mettre au point le Saniforce. Il collecte et compile des données issues du pilote installé dans le camp de Kyangwali. Objectif : mesurer l’impact du recours à l’énergie solaire ou au biogaz sur les temps de chauffe du pasteurisateur et sur l’élimination des pathogènes.
Le mécénat de compétences Veoliaforce, c'est quoi ?
Un collaborateur du groupe Veolia part sur son temps de travail en mission pour le compte de la fondation Veolia. Préalablement formé à l'urgence humanitaire et au maniement des équipements d'intervention conçus par la Fondation, il peut être sur le terrain pendant plusieurs semaines ou apporter son expertise à distance. La Fondation coordonne et prend en charge la logistique et les frais de déplacement ; le volontaire continue à être rémunéré comme s'il officiait dans son emploi habituel.